#38 SPÉCIAL Vie privée au travail et pouvoir de l'employeur
Jusqu'où va la vie privée du salarié au travail ?
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Avant de passer au dossier spécial vie privée, j’aimerai vous remercier :
Il y a une semaine, je vous disais avec fierté que j’avais intégré le top 3 du classement Favikon RH (un classement d’influence). La semaine dernière, j’étais N°1 dans la catégorie RH, droit et justice et Diversité et inclusion au travail.
Cette place concrétise des mois d'efforts acharnés, de nombreuses nuits blanches passées à créer du contenu accessible en droit du travail et sans jargon. Heureuse de vous compter parmi les lecteurs de mon contenu.
Passons au vif du sujet 👇🏼
🔶Temps de lecture : 15 min
Au menu :
Outils professionnels et vie privée
Réseaux sociaux et liberté d’expression des salariés
Enregistrements clandestins : peut-on les utiliser et dans quel cadre ?
10 Conseils RH & réflexes pour sécuriser vos pratiques
🟢 Ce que dit la loi ⚖️
💡Article L1121-1 du code du travail :
“Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.”
💡Article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme :
“Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (…)”
Chaque fois que l’employeur souhaite restreindre une liberté au travail, il doit veiller à ce que ce soit justifié et proportionné.
❏ Outil informatique professionnel et vie privée
Le salarié bénéficie d’une liberté d’expression au travail que l’employeur doit respecter. Mais elle n’est pas sans limites. Même si les salariés ont droit à la liberté d’expression, celle-ci ne doit pas dégénérer en abus, notamment en tenant des propos injurieux, excessifs ou diffamatoires à l’égard de l’employeur.
Les RH & managers doivent être vigilants sur la frontière entre critique légitime et propos injurieux. Pour savoir s’il s’agit d’un abus ou non, l’employeur devra toujours qualifier les faits, au cas par cas.
Exemple :
Un salarié a été licencié pour faute après avoir tenu des propos injurieux comparant son lieu de travail à un "camp de concentration" lors d'un entretien avec son supérieur, de nationalité allemande.
➡️Est-ce que le licenciement de ce salarié est justifié par un abus de sa liberté d’expression ?
OUI !
💡Les propos du salarié ne sont pas une simple référence historique. La Cour considère que le fait de comparer le lieu de travail à un camp de concentration, en particulier en connaissant la nationalité allemande de son supérieur, constitue un abus de la liberté d’expression1.
➡️Des propos familiers avec tutoiement et agressivité envers l’épouse de l’employeur, salariée également, sont-ils un abus de liberté d’expression ?
Le salarié avait écrit dans un email : « Je ne vois pas l'utilité de faire supporter à Natamold le coût d'un technicien et de ne pas lui demander son avis. J'ai juste à dire qu'à ce niveau d'incompétence, il faut changer de métier. »
Problème : Ce courriel était accessible à tous les salariés de la société via la messagerie principale, et non uniquement au destinataire direct, ce qui en a amplifié l'impact.
💡Mais la Cour de cassation a estimé que ça ne méritait pas un licenciement pour faute grave pour 2 raisons :
L’usage habituel d’un langage familier entre le salarié et son employeur
L'absence d'avertissement antérieur
En revanche, c’est bien une faute. La subtilité est qu’elle ne rendait pas impossible son maintien dans l’entreprise.
Dans cette exemple, on voit bien la nécessité de qualifier au cas par cas, chaque situation. L’erreur qu'‘a fait l’employeur est de ne pas cadrer la relation de travail dès le départ en sanctionnant par un avertissement ce langage familier et agressif. La faute grave nécessite la prise en compte du passé disciplinaire, de l’ancienneté et de tous les faits annexes.
💡Retenez ceci : si l’employeur accepte un comportement et le laisse perdurer, il lui sera encore plus difficile de justifier la sanction plus tard, puisque le passé disciplinaire du salarié restera irréprochable.
Pour information, voici l’échelle des sanctions à garder en tête👇🏼
Mails, dossiers sur ordinateurs ou papier, caissons & armoires
Chaque email, fichier ou document physique où la mention “personnel” est clairement identifiée, est réputé être privé.
Rappel des règles en schéma 👇🏼
Exemple :
Un salarié a été licencié pour faute grave. Les raisons de son licenciement étaient :
L'envoi de courriels à caractère pornographique à partir de son adresse professionnelle.
L'envoi d'un fichier d'adresses confidentielles de l'entreprise à des sociétés concurrentes.
Il estime qu'il avait droit à la protection de sa vie privée, y compris le respect de la confidentialité de ses courriels.
➡️L'employeur a-t-il violé le droit à la vie privée du salarié en accédant aux mails du salarié et en les utilisant pour justifier son licenciement ?
NON !
La Cour de cassation a validé le licenciement pour faute grave :
Courriels professionnels présumés comme étant à usage professionnel : Aucune mention indiquant que ces courriels étaient personnels n'a été trouvée.
Accès légitime de l'employeur : L'employeur était donc en droit de consulter ces mails, y compris en dehors de la présence du salarié.
Faute grave : L'envoi de mails à caractère pornographique depuis l'adresse professionnelle et la divulgation d'informations confidentielles à des concurrents constituaient une faute qui rendait impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
💡La Cour a conclu que l'accès aux courriels ne violait pas le droit à la vie privée du salarié.
En pratique, lorsque l’employeur veut accéder à des données du salarié, voici la checklist à cocher avant de tenter quoi que ce soit, au risque d’être sanctionné :
❏ La mention “PERSONNEL” est-elle clairement identifiée?
❏ La présence du salarié est-elle requise pour fouiller ou ouvrir un dossier ?
❏ Le comportement (échanges par mails, vol ou transfert de données…) rend il impossible le maintien du salarié dans l’entreprise ?
❏ Le salarié a t-il un passé disciplinaire irréprochable ou a-t-il déjà été sanctionné pour les mêmes faits ou pour d’autres faits ?
➡️ Des conversations sexistes échangés en privé au travail justifient-elles un licenciement ?
Un salarié a été licencié pour faute grave suite à des messages échangés via sa messagerie professionnelle. L'employeur invoquait des propos à caractère sexiste et des blagues échangées par le salarié pour justifier la faute grave. Le salarié estime que l’employeur, en accédant à ses mails, a commis une atteinte à sa liberté d’expression et à sa vie privée.
La Cour estime qu’il y a bien atteinte à la vie privée du salarié2 :
Liberté d'expression et vie privée : Le salarié bénéficie d'une protection accrue sur sa liberté d'expression, tant dans l'entreprise qu'en dehors, conformément à l'article L. 1121-1 du Code du travail et à l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme. Les restrictions à cette liberté doivent être justifiées et proportionnées.
Respect de la vie privée : Les messages échangés par le salarié via sa messagerie professionnelle avaient un caractère privé, sans rapport direct avec ses fonctions professionnelles. Il n'y avait ni harcèlement, ni propos excessifs, ni contenu diffamatoire ou injurieux, ce qui rendait le licenciement illégal. Le contenu des messages ne ciblait aucune personne en particulier et n'était pas destiné à être public.
Licenciement nul : Puisque le licenciement du salarié reposait sur des éléments de sa vie privée et constituait une atteinte disproportionnée à sa liberté d'expression, la Cour a jugé que ce licenciement était nul.
En pratique, voici la checklist à cocher avant de sanctionner un salarié en se basant sur les échanges de la boîte mail pro👇🏼
❏ Les messages échangés via la boîte mail professionnelle sont ils privés ?
❏ Les messages ont ils un rapport direct avec les fonctions du salarié ?
❏ Les échanges sont-ils diffamatoire ou injurieux envers une personne indentifiée ou non ?
Dossiers dans l’ordinateur :
Si vous rangez vos documents personnels, vos photos de vacances, documents administratifs personnels... dans un dossier “mes documents” on ne peut pas deviner son caractère personnel quand bien même vous écrivez "mes" et qu'on comprend qu'ils vous appartiennent.
⚠️ L’employeur peut donc y accéder.
✅ Sauf si vous mentionnez “mes documents PERSONNELS”
Armoires, caissons, tiroirs de bureau
Mêmes fermés à double tour, si vous n’indiquez pas PERSONNEL, l’employeur a le droit d’ouvrir tous vos documents et armoires, et ce, même en votre absence.
💡 L'employeur peut limiter l'usage personnel du matériel informatique professionnel en indiquant des clauses dans la charte informatique ou le règlement intérieur
Clé USB :
➡️Est-ce que l'exploitation par l'employeur des fichiers de la clé usb personnelle, sans la présence de la salariée, est une atteinte à sa vie privée?
Affaire récente (Septembre 2024) :
Une salariée est licenciée pour faute grave pour avoir copié sur des clés usb personnelles, des fichiers sensibles liés au processus de fabrication de l'entreprise et d'avoir accédé sans autorisation à des ordinateurs des collègues.
Les Clés USB étaient dans son bureau et l'employeur les a exploité et utilisé pour justifier son licenciement. Il a fait appel à un huissier et expert.
Problème : L'employeur avait-il le droit d’utiliser la clé usb pour justifier son licenciement pour faute grave ?
💡Solution de la Cour :
Le licenciement est valide :
Même si l'accès aux fichiers de la clé usb sans la présence de la salariée est une atteinte de sa vie privée.
L'employeur n'avait pas d'autres moyens pour prouver le manquement de la salariée.
Il a exploité le contenu de la clé usb de manière encadrée, en présence d'un expert et huissier, les données personnelles de la salariée n'avaient pas été consultées.
Cette solution de la Cour pourrait aussi s’appliquer à tout autre élément de stockage personnel du salarié, comme un disque dur externe par exemple.
En pratique, voici la checklist à cocher avant de consulter une clé usb ou disque dur interne d’un salarié, sur son bureau👇🏼
❏ L’employeur a t il un autre moyen de prouver le comportement déloyal du salarié ?
❏Le salarié était-il présent lors de la fouille ou l’exploitation de la clé/disque dur ?
❏ La clé usb ou disque dur externe a t il été exploité en présence d’un huissier et un expert ?
❏ Les données personnelles ont-elles été consultées ?
❏Les réseaux sociaux et la liberté d’expression des salariés
➡️Les propos diffusés sur un réseau social sont-ils privés ou présumés publics ?3
On pourrait croire qu’à partir du moment où on publie sur un réseau social, tout est public. Les règles sont différentes en droit du travail.
L’exemple parfait à travers une décision récente:
Un salarié journaliste vidéo a été licencié pour faute grave. Son employeur estime qu’il a enfreint son obligation de neutralité en publiant sur son compte Facebook personnel, sous un pseudonyme, des commentaires sur des sujets d’actualité, notamment sur la Palestine et la colonisation. Ces publications incluaient des incitations à manifester. L’entreprise a considéré que ces propos portaient atteinte à sa réputation de source d’information impartiale et justifiaient une sanction.
Ce qui posait problème :
Règlement interne :
1. Selon le contrat de travail du salarié, il était soumis à une obligation de loyauté.
La société s’appuyait aussi sur un document interne intitulé "Lignes de conduite des réseaux sociaux pour les employés ", qui imposait aux salariés de ne pas exprimer d'opinions personnelles sur des questions controversées et d’éviter de prendre part publiquement à des débats sensibles.
Le salarié estimait que :
Ses publications relevaient de sa vie privée et n'étaient pas liées à ses fonctions professionnelles, puisque son compte Facebook était configuré de manière privée, sous un pseudonyme.
Il bénéficiait de sa liberté d'expression, y compris en dehors du travail.
Le document interne invoqué par la société, les « Lignes de conduite des réseaux sociaux » n'avait pas été dûment formalisé ni intégré au règlement intérieur, et n’était donc pas opposable aux salariés.
💡Solution de la Cour :
Valeur juridique du document interne : les « Lignes de conduite des réseaux sociaux » qui imposaient des restrictions au salarié fait défaut. Ce document n’est pas un règlement intérieur ni une note de service officiellement opposable aux salariés (car il n’avait pas été soumis aux formalités de publicité et de consultation prévues par la loi).
Caractère privé ou public des publications : Il faut prendre en compte les paramètres de confidentialité du compte Facebook du salarié. Il avait publié sous un pseudonyme et soutenait que seules des personnes agréées pouvaient accéder à ses publications. L’employeur aurait dû vérifier si ces propos relevaient de la sphère privée ou s’ils avaient un caractère public.
Les propos tenus par un salarié sur les réseaux sociaux peuvent être considérés comme relevant de la vie privée, surtout lorsqu’ils sont publiés :
- sous un pseudonyme
- dans un cadre restreint (limité à des amis).
💡Dès lors, un employeur ne peut sanctionner un salarié pour ces propos que s’ils ont un lien direct avec la sphère professionnelle ou s’ils constituent un abus de la liberté d’expression.
En pratique, voici la checklist à cocher avant de sanctionner un salarié en se basant sur un post sur un réseau social (facebook, instagram, Linkedin, X…)👇🏼
❏ L’entreprise a-t-elle mis en place une charte informatique, un document, note interne, règlement intérieur qui impose un cadre de l’utilisation des réseaux sociaux des salariés ?
❏ Ce document a t-il été soumis au CSE (s’il y en a) et a-t-il été porté à la connaissance des salariés et affiché ?
❏ Le post en question est-il écrit sous un pseudonyme ou le nom et prénom et intitulé de poste du salarié ?
❏ Les paramètrages du réseau social montrent-ils une visée public ou restreinte du post ?
➡️L’employeur peut-il utiliser un réseau social personnel du salarié pour justifier son licenciement ?
OUI !4
Une salariée de Petit Bateau, cheffe de projet export, a été licenciée pour faute grave après qu'elle a publié sur son compte Facebook privé une photographie de la collection printemps/été, destinée uniquement aux commerciaux.
L'employeur estime qu'elle a violé son obligation contractuelle de confidentialité.
Problème :
Est-ce que l'employeur a le droit d'utiliser un compte facebook privé comme preuve pour sanctionner la salariée?
Est-ce que la divulgation sur un réseau social, même privé, justifiait un licenciement pour faute grave, et est-ce que le droit à la preuve primer sur le droit à la vie privée ?
💡Solution de la Cour :
L'employeur n'avait pas agi de manière déloyale, car la preuve avait été spontanément communiquée par une autre salariée, « amie » de la salariée sur Facebook.
La production de cette preuve, bien qu'elle porte atteinte à la vie privée, était indispensable pour démontrer le manquement à la confidentialité et proportionnée au but poursuivi, à savoir la protection des intérêts légitimes de l'entreprise.
La faute grave qui justifie l'impossible maintien de la salariée dans l'entreprise est motivée par le fait que :
la publication sur un compte comptant plus de 200 « amis » professionnels dépassait le cadre strictement privé
la publication présentait un risque de diffusion dans un secteur concurrentiel.
➡️Linkedin : l’employeur peut-il imposer à ses salariés de communiquer via leur compte Linkedin ? Doivent-ils mettre la bannière et logo de l’entreprise ?
Non !
L’employeur ne peut pas imposer à ses salariés de communiquer via leur compte Linkedin personnel, quand bien même ils indiqueraient dans leur profil qu’ils travaillent dans cette entreprise.
En revanche, si le salarié est responsable réseaux sociaux ou directeur marketing et qu’il doit communiquer via la page entreprise, si cela fait partie de ses missions, son refus sera qualifié d’insubordination. L’employeur pourra le sanctionner.
Mais il ne peut pas le sanctionner parce qu’il ne communique pas via son profil personnel.
➡️L’employeur peut-il utiliser des informations du profil Linkedin pour sanctionner ou limiter le préjudice d’un salarié ?
OUI et NON !
Il faut être très vigilant avec l’utilisation des informations issues du profil Linkedin de salariés :
Ils peuvent choisir d’écrire ce qu’ils veulent et donc difficile de trouver la vérité
Les informations mentionnées ne doivent pas être interprétées à la légère5 :
Exemple d'affaire : Une salariée licenciée pour insuffisance professionnelle, conteste ce licenciement. La cour d'appel de Versailles a accordé 10 000 euros de dommages-intérêts en estimant qu'elle avait retrouvé un emploi rapidement après son licenciement. L'employeur s'est basé sur son profil Linkedin où elle a mentionné en 2014 qu'elle avait entrepris des démarches pour reprendre une entreprise. Problème : - L'employeur estime que sur son profil LinkedIn, la salariée aurait repris une activité. - La salariée soutient que le profil LinkedIn ne mentionne pas une reprise d'emploi mais des démarches pour racheter une entreprise, ce qui ne constitue pas un emploi salarié.
💡Solution de la Cour :
Les informations sur le profil Linkedin de la salariée ont été dénaturées.
La pièce versée par l'employeur(profil linkedin) ne permettait pas d'affirmer que la salariée avait retrouvé un emploi mais seulement qu'elle avait entrepris des démarches entrepreneuriales.
❏Enregistrements clandestins : peut-on les utiliser et comment ?
Nous avons toujours entendu qu’on ne pouvait pas filmer ou enregistrer quelqu’un à son insu et s’en servir comme preuve par la suite.
Mais, de plus en plus de décisions montrent qu’on peut désormais utiliser ces preuves obtenues clandestinement (sans accord) pour prouver des faits qu’on n’aurait pas pu prouver autrement.
Enregistrer clandestinement quelqu’un reste une preuve déloyale. Mais qui peut être recevable.
➡️Est-ce qu’un enregistrement clandestin, réalisé à l'insu de l'employeur, peut être utilisé comme preuve dans un litige de harcèlement moral ?
OUI ! 6
Exemple d'affaire récente (Juillet 2024):
Une salariée licenciée après un accident de travail et une reprise en mi-temps thérapeutique.Elle a saisi les prud'hommes pour harcèlement moral et licenciement abusif. Elle a présenté comme preuve un enregistrement clandestin de son employeur, réalisé à son insu, pour démontrer des pressions exercées en vue d'obtenir une rupture conventionnelle.
Problème juridique :
➡️ L'enregistrement clandestin étant une preuve déloyale, peut-on l'accepter comme preuve ?
➡️Comment préserver l'équilibre entre vie privée et droit à la preuve?
➡️Est-ce que l'enregistrement est indispensable pour la salariée pour prouver son harcèlement ?
💡Solution de la Cour :
La salariée n'avait pas d'autres moyens pour prouver les pressions qu'elle subissait, donc, l'enregistrement doit être accepté comme preuve, même si c'est fait à l'insu de l'employeur.
Une preuve, même obtenue de manière déloyale, ne doit pas être automatiquement écartée.
Il faut vérifier :
si cette preuve est indispensable à la défense du salarié
si l'atteinte au respect de la vie privée de l'employeur est strictement proportionnée au but poursuivi (c'est-à-dire prouver le harcèlement moral).
➡️Un employeur peut-il utiliser un enregistrement de son salarié pour prouver le comportement fautif ?
OUI !7 Mais,
Affaire :
Un salarié a été licencié pour faute grave, son employeur produit des enregistrements clandestins pour prouver son refus de donner des informations sur son activité commerciale.
Problème juridique :
➡️ Est-ce que l'enregistrement produit par l'employeur était indispensable pour prouver la faute du salarié.
➡️Ou pouvait-il le prouver d'une autre manière, sans l'enregistrement à son insu ?
💡Solution de la Cour :
Les preuves déloyales peuvent être admises :
si elles sont indispensables à l'exercice du droit à la preuve
si l'atteinte aux autres droits est strictement proportionnée.
Donc, l'employeur pouvait fournir cet enregistrement.
Pour résumer : Il faut TOUJOURS apprécier si la production d’une preuve déloyale (enregistrement clandestin, messages privés, réseaux sociaux…) ne nuit pas à l'équité du procès : Tenir compte du droit à la preuve tout en respectant la vie privée des personnes.
Liberté de témoignage :
🧠 Le savais-vous?
Le salarié est protégé lorsqu’il décide d’agir en justice contre son employeur.
Un employeur avait licencié un salarié pour avoir témoigné et engagé une procédure judiciaire pour évincer les dirigeants de l'entreprise.
Le juge a estimé que le licenciement du salarié était nul car il portait atteinte à des libertés fondamentales et a rappelé que la liberté de témoigner en justice et la liberté d'agir en justice sont protégées par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.
💡Un salarié ne peut être licencié pour avoir fourni un témoignage ou pour avoir introduit une action judiciaire, sauf s'il est établi que ces actes sont de mauvaise foi, ce qui n'a pas été démontré dans cette affaire. Le licenciement prononcé à l'encontre du salarié pour ces motifs est donc jugé illégal.8
🟢 Conseils RH et réflexes au quotidien
Encadrer les outils informatiques
Mettez en place une charte informatique qui définit clairement les règles d'utilisation du matériel professionnel, des logiciels et des services en ligne. N’oubliez pas de respecter le formalisme pour qu’elle soit opposable.
Ajoutez une clause de confidentialité et d’utilisation du matériel dans les contrats de travail, stipulant les sanctions en cas de non-respect.
Assurez-vous que les salariés connaissent les bonnes pratiques, comme éviter de stocker des données professionnelles sur des supports personnels.
Si vous tolérez l’utilisation du matériel professionnel à usage privé, écrivez-le et conditionnez-le.
Respecter les conditions de mise en place de documents d’utilisation des outils informatiques
Consultez les représentants du personnel (CSE) avant d’instaurer des documents ou chartes d'utilisation des outils numériques.
Affichez clairement les règles sur l'utilisation des équipements professionnels, y compris la politique de surveillance.
Veillez à ce que les règles soient proportionnées et justifiées, afin de limiter les risques de contestation.
Prévenez les employés de tout changement en matière de politique informatique, et obtenez leur consentement si nécessaire.
Communication interne
Diffusez régulièrement des messages clairs et concis pour rappeler les règles d'utilisation des outils numériques.
Mettez en place une newsletter interne pour informer les salariés des dernières pratiques en matière de cybersécurité. Ça peut-être un petit article envoyé chaque semaine ou une vidéo du service informatique ou une simple intervention pendant une réunion.
Utilisez différents canaux (affichage, e-mails, intranet) pour atteindre tous les salariés et s'assurer qu'ils sont bien informés.
Sensibilisation des salariés à l’utilisation des outils numériques
Mentionnez les risques liés à l’utilisation des outils numériques dans un document d’intégration du salarié ou tout autre support.
Mettez en avant les bonnes pratiques de sécurité : mots de passe forts, sauvegardes régulières, et précautions face aux e-mails suspects.
Créez des campagnes de sensibilisation sur les réseaux sociaux internes pour renforcer la vigilance contre les cybermenaces.(1 fois tous les 6 mois)
Prévoyez une formation obligatoire pour les nouveaux arrivants afin qu'ils intègrent rapidement les bonnes pratiques numériques. Elle peut être très courte et organisée par un salarié du service informatique. Faites avec vos moyens.
Formation des managers sur la collecte de preuves
Formez les managers sur les règles encadrant la collecte de preuves, afin d'éviter les atteintes aux droits des salariés et qu’ils n’engagent pas la responsabilité de l’entreprise.
Expliquez les limites légales de l'utilisation des informations collectées, pour éviter des accusations d'abus.
Donnez-leur des outils pour réagir efficacement en cas de soupçon de fraude ou de faute, tout en respectant les procédures légales. (Vous pouvez leur offrir ma prochaine formation”droit du travail pour managers”, j’y évoque tous ces aspects, concrètement et sans jargon, juste ce qu’il leur faut pour agir au quotidien).
Bien qualifier les faits avant de sanctionner
Vérifiez que les faits reprochés sont suffisamment graves pour justifier une sanction disciplinaire. Reprenez mon échelle des sanctions pour voir où vous pouvez mettre le comportement fautif 👇🏼
Recueillez toutes les preuves nécessaires et factuelles (date, heure, lieu) pour prouver la faute, en respectant les règles de confidentialité.
Évitez les décisions hâtives : donnez toujours à l'employé la possibilité de s'expliquer avant de prononcer une sanction, parfois en dialoguant, on résout les conflits.
Assurez-vous que la sanction envisagée est proportionnelle à la faute commise, pour prévenir les contestations.
Rester à l’affût de l’actualité et des dernières décisions
Suivez régulièrement les évolutions législatives et jurisprudentielles en matière de droit du travail, en vous abonnant à cette newsletter si ce n’est pas encore fait👇🏼
ou en me suivant sur Linkedin, tous les lundis, je publie le flash info RH, des dernières décisions tombées.
Encadrer l’utilisation des réseaux sociaux
Intégrez une politique d’utilisation des réseaux sociaux dans le règlement intérieur ou la charte informatique (n’oubliez pas de respecte les conditions et formalités de mise en place).
Sensibilisez les salariés aux risques juridiques et d’image liés à l’utilisation des réseaux sociaux et leur liberté d’expression.
Précisez les règles sur le partage d’informations relatives à l’entreprise sur les plateformes publiques.
Encouragez les bonnes pratiques de communication en ligne pour préserver l’image de l’entreprise mais aussi pour respecter les libertés des salariés.
Former les salariés à la sécurité des données et respect du RGPD
Envoyez des infos régulières sur la gestion des données personnelles et les obligations liées au RGPD. (Le “conseil du mois “ par email par exemple)
Prévoyez des sessions spécifiques sur la protection des informations sensibles et le respect des droits des personnes concernées si certains postes manipulent et traitent beaucoup de data.
Implémentez des mesures de sécurité, telles que l'utilisation de mots de passe complexes et le chiffrement des données.
Mettez en place des procédures internes en cas de violation de données pour réagir rapidement et limiter les conséquences.
Soyez compliant au RGPD, notamment avec des fiches de traitement, les process de recrutement…
Faites avec vos moyens humains et financiers
Chaque entreprise est différente, les postes sont particuliers et ne se ressemblent pas tous, alors ne vous mettez pas la pression, commencez petit-à-petit mais gardez à l’esprit votre unique partenaire : le droit du travail !
☀️Je vous souhaite une belle fin de semaine, on se retrouve la semaine prochaine pour une newsletter simple, efficace et sans JARGON (évidemment !)
Cette édition spéciale est exceptionnellement gratuite aujourd’hui, parce que le sujet est très important en entreprise et que beaucoup d’erreurs peuvent être évitées.
A partir de la semaine prochaine, 2 éditions spéciales comme celle-ci seront envoyées aux lecteurs ayant opté pour un abonnement payant.☀️
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Je vous remercie pour votre lecture et soutien !
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