#28 Comment sécuriser une clause de mobilité géographique ?
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🔶Temps de lecture : 6 min
Thèmes
Définition de la clause de mobilité
Une clause source de litiges
Absence de clause : modification du contrat de travail ?
Modèle de clause à dupliquer 🎁
🟢Définition de la clause de mobilité
Si vous avez déjà cherché la clause de mobilité dans le code du travail et que vous n’avez rien trouvé, c’est normal ! Elle n’est pas définie dans le code mais par le juge au fur et à mesure des litiges.
Définition : Clause par laquelle le salarié accepte d’avance de changer son lieu de travail si l’employeur lui demande.
Donc dans le cas où un salarié a une clause de mobilité géographique dans son contrat de travail, s’il venait à être muté, il ne s’agira pas d’une modification de son contrat de travail.
Mais il ne suffit pas de copier coller une clause trouvée sur internet et la personnaliser, pour qu’elle soit valide.
Elle doit respecter des conditions strictes de validité et de mise en oeuvre👇🏼
Si une condition n’est pas remplie, la clause est nulle et n’a pas vocation à s’appliquer ni créer une obligation du salarié envers son employeur.
Condition n°1 : La zone géographique
Elle doit être définie de manière précise. La clause doit mentionner une zone de mutation que le salarié peut identifier et qui n’est pas susceptible de changer dans le temps.
La zone de mutation peut être :
un périmètre géographique par km par rapport au lieu de travail actuel
des lieux précisément nommés géographiquement comme des noms de villes ou départements
La jurisprudence n’indique pas une amplitude géographique maximale à respecter pour que la clause soit valide, ce qui laisse une marge de manoeuvre aux employeurs, non sans risques.
Par exemple :
Une clause de mobilité qui mentionne des départements est valable
Une clause qui ne mentionne pas de zone géographique mais uniquement des établissements de l’entreprise n’est pas valable, elle plonge le salarié dans l’incertitude
Ce qu’on veut éviter en indiquant une zone géographique précise c’est justement l’incertitude que cela crée chez le salarié.
💡Qu’en est-il des mutations à l’étranger ?
Si le mot “étranger” est mentionné dans la clause, celle-ci est nulle puisqu’aucun pays n’est indiqué de manière précise, il ne suffit pas de dire que le salarié “peut être muté dans nos établissements à l’étranger” mais s’il est indiqué “ peut-être muté dans nos établissements d’Amérique Latine” ou “en Angleterre” elle est valable.
Attention tout de même à ne pas faire une liste de pays qui n’ont aucun lien les uns avec les autres dans le cadre du travail.
Condition n°2 : Le pouvoir d’étendre la clause par l’employeur
La clause ne doit pas être rédigée en des termes qui laissent à l’employeur la possibilité d’étendre son amplitude.
Par exemple :
Le salarié consent à être muté dans tout lieux qui semble pertinent pour l’activité de l’entreprise
Qui décide de la pertinence ? Une part de subjectivité conséquente subsiste dans ce type de rédaction.
L’employeur dans ce cas, peut très bien décider de manière unilatérale de ce qui est pertinent pour l’activité de l’entreprise et ce qui ne l’est pas, ce qui ouvre la voie à beaucoup de subjectivité dans l’étendue de la clause.
Condition n°3 : L’absence d’atteinte à la vie privée et professionnelle du salarié
C’est la condition qui fait l’objet de beaucoup de litiges entre l’employeur et le salarié.
Qu’est-ce qu’une atteinte disproportionnée finalement ?
Le code du travail ne mentionne absolument pas comment apprécier l’atteinte disproportionnée de la vie privée et professionnelle. Le juge va apprécier au cas par cas en se basant sur l’impact de la mutation sur la vie du salarié, ce qui est paradoxal finalement en pratique, puisque le salarié devra évoquer sa vie privée à son employeur pour éviter ce changement professionnel….alors qu’on évite tous les jours que l’employeur s’immisce dans la vie privée de ses salariés…
🔴Une clause source de litiges
Si l’employeur a bien rédigé la clause de mobilité géographique, elle peut tout de même être contestée et frappée de nullité si ses conditions de mise en oeuvre ne sont pas respectées !
Condition n°1 : L’intérêt de l’entreprise
Il ne suffit pas à l’employeur de dire que la mutation est légitime en estimant que selon lui, l’intérêt de l’entreprise est en jeu. Il faut qu’il apporte des arguments objectifs qui font que la mutation est nécessaire.
Par exemple :
L’implantation d’un nouvel établissement
La fermeture d’un magasin et donc le transfert du personnel dans un autre
Condition n°2 : Le délai de prévenance suffisant
Le code du travail ne mentionne pas un délai de prévenance particulier mais il sera apprécié par le juge, encore une fois, au cas par cas. Il s’agit tout simplement de bon sens. L’employeur ne peut pas annoncer une mutation à son salarié, la veille par exemple ou 2 semaines avant la mutation à l’étranger par exemple.
Il faut que le salarié puisse s’organiser et sache à quoi il s’engage en amont.
Condition n°3 : Le respect de la vie privée et familiale du salarié
Lorsque l’employeur souhaite muter un salarié, quand bien même il a signé son contrat de travail au départ avec une clause de mobilité incluse, il doit tout de même vérifier que la mise en oeuvre de la clause de mobilité ne heurte pas sa vie privée & familiale, ainsi que professionnelle.
Vie privée & familiale :
Une mutation d’une salariée, après son congé maternité et ayant une garde alternée d’un de ses enfants est disproportionnée
Vie professionnelle :
Une mutation d’un salarié à temps partiel alors qu’il avait un autre emploi parallèlement, est disproportionnée
Rappel : Le code du travail règlemente la restriction des libertés fondamentales👇🏼
“Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.”
Article L1121-1
La vie privée et familiale est un droit bien protégé, l’employeur ne peut restreindre cette liberté ni s’y immiscer. Ce qui est tout à fait contradictoire puisqu’on entend sans cesse que l’employeur doit respecter la vie privée et familiale du salarié et donc ne pas s’y introduire mais il doit tout de même être informé des difficultés familiales que représenterait une mutation sur la vie privée du salarié.
Le salarié doit donc informer son employeur des difficultés de concilier sa vie privée et familiale avec la clause de mobilité.
En pratique, ce sera encore une fois apprécié au cas par cas. Mais lorsque le savoir faire est très recherché ou nécessaire à l’entreprise, le salarié aura plus de difficultés à refuser la mise en oeuvre de la clause de mobilité. En revanche, s’il s’agit d’un poste sur lequel il est facile de recruter dans la zone géographique de mutation, difficile d’imposer la mutation en pratique.
Il en est de même si un autre salarié célibataire peut exercer le poste de celui qui doit être muté, qui lui a une vie de famille qui l’empêche d’être mobile.
💡Et en l’absence de clause que se passe-t-il ?
Il faut différencier deux types de situations
une clause de mobilité est insérée dans le contrat de travail
aucune clause de mobilité dans le contrat de travail ni de renvoi à la convention collective qui prévoit cette clause
Le tout en schéma 👇🏼
En pratique quand un litige survient, le juge va apprécier au cas par cas 👇🏼
Illustration :
Affaire récente :
**Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 24 janvier 2024, 22-19.752, Inédit :**
Les faits :
Une salariée licenciée pour faute grave pour son refus d’accepter son nouveau lieu de travail, situé à 35 km du précédent.
Les juges estiment que les deux lieux de travail ne font pas partie du même secteur géographique pour plusieurs raisons :
⇥le site d’emploi et le site d’affectation sont éloignés de 35 kilomètres et ne sont pas situés dans le même bassin d’emploi,
⇥au regard des horaires de travail de la salariée, il est manifeste que le covoiturage était difficile à mettre en place,
⇥l’employeur ne produit aucune pièce qui permet de démontrer que les transports en commun sont facilement accessibles entre les deux communes aux horaires de travail de la salariée
⇥l’usage du véhicule personnel en matière de fatigue et de frais financiers générait, en raison des horaires et de la distance, des contraintes supplémentaires qui modifient les termes du contrat.
L’employeur a commis une faute contractuelle en imposant le nouveau lieu d’affectation à la salariée et ne peut pas lui reprocher son refus d’intégrer le site sur lequel il avait décidé de l’affecter.
💡Un modèle de clause de mobilité
Je t’offre un modèle de clause de mobilité qui est valide. Attention tout de même à la mise en oeuvre, pour rappel, la validité d’une clause de mobilité n’empêche pas sa mauvaise mise en oeuvre.
Zone déterminée :
Établissements de la région X
« Le salarié exprime son consentement par avance que son lieu de travail pourra être modifié et que la société pourra l’affecter dans tous les établissements de la région X”
Périmètre en km
« Le salarié exprime son consentement par avance que son lieu de travail pourra être modifié et que la société pourra l’affecter dans tous les établissements situés dans un périmètre de 60km du lieu de travail d’origine”
Pays étranger
« Le salarié exprime son consentement par avance que son lieu de travail pourra être modifié et que la société pourra l’affecter dans tous les établissements situés en Amérique du nord”
Conséquences de la clause : (ici on mentionne que la mise en oeuvre de la clause ne constitue pas une modification du contrat de travail qui nécessiterait l’accord du salarié et dont le refus ne pourra pas être sanctionné)
En signant ce contrat, le salarié accepte de manière expresse cette clause de mobilité, en conséquence, tout refus de changement de lieu de travail constituera un manquement du salarié à ses obligations contractuelles, pouvant ainsi entrainer une sanction disciplinaire allant jusqu’à la rupture du contrat de travail»
Merci à toi de me lire, je suis preneuse de tes retours & questions ✨
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Belle fin de semaine à toi ☀️
Loubna